23 février 2013

Les saveiros de Bahia

Les saveiros de Bahia

 

  J'ai navigué par deux fois dans la baie de Salvador de Bahia au Brésil : en 1999 et entre avril et juin 2007.

  A SALVADOR DE BAHIA et surtout dans toute la Bahia de Todos os Santos se rencontrent encore bon nombre de bateaux de travail qui ne naviguent qu’à la voile, à l'aviron ou à la pagaie comme c’est bien souvent le cas au Brésil, surtout dans le Nordeste. 

On navigue à la voile par nécessité : les moteurs, le fuel et l’essence sont chers et le vent est toujours plus ou moins au rendez-vous.

 

 Parmi ces voiliers de travail,on trouve à Bahia les « saveiros » bateaux de charge plus ou moins hérités et inspirés des barges du rio Tejo ( le Tage )qui termine à Lisbonne sa course vers l’océan.

 



 

  Ils naviguent essentiellement dans la baie transportant toutes sorte de matériaux pondéreux comme ces briques, chargées ici à Maragojipe sur un bras du rio Paragaçu au fond de la baie.

 

   Ou bien ce sont les tuiles, du sable, de la farinha ( farine de manioc : le pain des brésiliens du Nordeste) ou des poteries dont celles fabriqués à Coqueiros sur le rio Paragaçu où sont basés bon nombre de ces saveiros.



 En général ils profitent de la marée montante et descendante ( le flot et le jusant) et utilisent  les courants de la baie et des fleuves  qui s’y jettent pour naviguer. 


 


Manoeuvre impeccable: pas un bruit,équipage affairé et tranquille.
Les bords sont parfois courts  et la manœuvre incessante.








Les patrons de ces saveiros connaissent tous les vents, tous les courants, tous les remous et les bancs de sable de la baie.








Pas de gite , un franc bord réduit, une grande largeur, peu de tirant d'eau et un près étonnant.


Ces saveiros de 10 à 15 mètres de long et pesant de 15 à 30 tonnes en charge sont maniés par un équipage peu nombreux :  en général le « mestre » c'est à dire le patron et un ou deux aides. 

 

  Une grand’voile sans un pli amurée très bas avec son point d’écoute au ras du pont mais fortement échancrée sur la bordure pour lui donner une forme parfaite et aussi dégager la vue du barreur vers l’avant. 

 

 

 

 

 

 

Quand le vent monte il faut réduire la voilure; ceci se fait facilement en abaissant la corne: la grand voile prend alors la forme triangulaire d'une voile bermudienne ce qui en diminue la surface.

  

     Ils sont quelquefois manœuvrés en solitaire comme celui-ci je l’ai vu à Bom Jesus par un fort vent de 30 nds et à pleine charge allant livrer sa cargaison de sable sur un chantier de la baie.

 

 

 

 

 

 

 

Ils portent un gréement simple : un grand mat non haubané, un gréement élancé, une courte corne et un tout petit foc amuré sur un bout-dehors amovible. Aucun winch pour les écoutes qui sont tournées à la volée à chaque virement de bord, deux palans simples suffisent pour hisser la grand voile et établir la vergue.


Barre franche et gouvernail rapporté sur le tableau arrière. Une cale occupée par toute la cargaison; seul  un petit poste sous le pontage avant contient les quelques effets de l'équipage.




 

Ils vont livrer leur cargaison profitant de la marée pour s'approcher au plus près de leur destination somme ce saveiro qui profite du dernier souffle et du flot pour aller livrer ses briques sur un chantier à Bom Jesus, une des iles de la baie.


les derniers mètres sont parcourus à la perche


 
Ces saveiros sont construits sur place le long de la grève ou, comme ici à Maragojipe dans un chantier situé au milieu de la mangrove et qui n'est accessible que par la mer à marée haute : aucun chemin n'y mène


 
On reconstruit ici,sur ce chantier, un saveiro avec des membrures et des bordés neufs; seule la quille rallongée de deux bons mètres a été récupérée sur un bateau ancien.


 Les bois sont livrés par camion au plus près du quai voisin de Maragojipe puis chargés en pontée sur  des "botes" ( bateaux plus petits toujours sans moteur) pour les amener sur le chantier car, curieusement, ces bois très denses ne flottent pas.
Tout le travail se fait à la main: scie,rabot, herminette etc.



 Ce saveiro, en réparation au chantier, a une cabine et un moteur : surement pour promener les touristes. 
On remonte la pièce d'étambot à l'aide d'un cric.





Ils carènent sur les bancs de sable au milieu des fleuves ou sur des cales de cailloux aménagées les long des quais.



profitant de la marée basse pour se refaire une santé (ou la carène) au bord du quai

Celui-ci est couvert par un pontage qui sert à protéger sa cargaison de farinha




 Sur (ou sous)cet autre le Vendaval le mestre  ou un aide s'affaire au carénage devant le quai de Maragojipe
 


Un autre jour, cet autre saveiro qui vient livrer sa farinha arrive à la voile au plus près de la ville basse de Salvador, au pied du Pelourinho.
Il manœuvre impeccablement entre les pontons de la marina : deux mondes qui se côtoient et bien souvent s'ignorent.


Plus tard ,  il repartira du même quai poussé à l'aviron par son annexe et manié à la perche comme cet autre saveiro que j'ai vu partir sans vent sous une pluie battante  avant qu'il ne puisse hisser sa belle grand'voile verte en eau libre et filer sous l'averse vers le fond de la baie



L’équipage dort sur le pont,à la belle étoile ou, s’il pleut, sous la grand'voile cabanée  .


  Quelquefois un roof en bois vient couvrir la cargaison si celle-ci craint la pluie et les embruns ( comme par exemple la farinha).


A Coqueiros sur le rio Paragaçu vit une communauté de "mestre" de saveiros qui naviguent ensemble, partant sans bruit au petit matin avec le jusant et ne revenant bien souvent qu'après plusieurs jours, avec le flot.  
Bien souvent j'ai, sur le fleuve, croisé de ces bateaux naviguant de conserve et,de loin, j'ai cru à une régate de ces répliques navigotantes pour touristes, comme on peut les voir en France en Bretagne ou ailleurs.

Mais non : il s'agissait de vrais bateaux de travail. Ces saveiros de Coqueiros partaient tous ensemble pour profiter du jusant et s'en allaient livrer leur cargaison en différents points de la bahia.
Mais comme partout, je suppose, l'esprit de la régate ou de la belle manœuvre devait régner à bord.
 
Quelquefois le vent manque. Ce sont alors les avirons ou la perche s'il y a peu de fond, qui prennent le relais pour manier ces bateaux de 15 à 30 tonnes . 

 Un soir, je vois le "Rei del Oriente" revenir sans vent vers Coqueiros l'équipage affairé peinant aux avirons.
Finalement je le prendrai à couple le pour les deux derniers miles de la route car la nuit arrive.
 l'équipage silencieux et digne refusera même les bières que je lui propose.

Il terminera sa course sur son erre s'aidant seulement de la  perche pour les derniers mètres 


Demain il repartira après avoir chargé sa cargaison de poteries pour aller les livrer au marché de San Joachim à Salvador  de l'autre coté de la baie.

  

  à suivre ....